une petite fille sage

Sometimes the best literary criticism consists in simply highlighting works that might otherwise pass unnoticed. In that spirit here are some passages from the short story Une Petite fille sage in Yves Martin’s collection L’Enfant démésurée. The story is about a good little girl who dreams of becoming a prostitute after she discovers an ancient pornographic photo in her parents’ attic.

Elle mordille la formidable mappemonde comme elle l’a vu faire à un monsieur moustachu sur une gravure du grenier soigneusement glissée dans un livre d’aventure pétillant d’or et d’écarlate. La dame a le visage totalement dissimulé par un colossale chevelure noire. Derrière la photo quelqu’un a écrit au crayon ‘Scène de lupanar.’ Ce qui bouleverse dans cette photo, c’est la disparition liée au merveilleux du visage de la femme, son absence, son retrait, sa fuite, un visage invisible, protégé, illuminé, par une lumière anthracite. Comme la petite fille aurait voulu vivre ainsi, évanouie, dérobée, disparue aux vrilles des regards qui lui faisaient si mal! (p. 43)

Le plus souvent ce jour-là, une petite fille comme elle écrivait au tableau ‘lupanar,’ la craie faisant un bruit de vin (beaujolais qui vire). Elle avait envie de se cacher comme si toute la classe allait la désigner du doigt. A chaque fois elle était très étonnée que personne ne la regarde, une indifférence cinglante qui la mettait encore plus mal à l’aise. Parfois le mot ‘lupanar’ sautait, sémillant de derrière les cartes de géographie, Pierrot désinvolte, qui s’esquivait ou lui pinçait, lui grignotait les oreilles (les amoureux se grignotent ainsi).

Mais que voulait dire ce mot mystérieux ‘lupanar’? (p. 45)

Elle ne parla pas de l’homme, ni de sa virilité qui pourtant aurait dû l’intriguer. Elle était totalement fascinée par cette femme, sa chevelure, son visage invisible. Elle caressa la photo, elle suivit la chevelure d’un noir-vert de trèfle avec çà et là des rubis, elle murmura: Je veux être comme elle, vivre comme elle. Elle se tourna vers le jeune homme. Elle le supplia: Tu me le promets, tu m’emmèneras où elle habite, où ses semblables habitent. A cet instant elle rayonnait à tel point que son visage avait disparu. Comme la femme de la photo, il ne restait plus qu’une admirable chevelure. (pp. 54-55)

Soudain la petite fille s’immobilise. Là tout en haut de l’escalier, cette chevelure, cette absence de visage, ce visage remplacé par une lumière diffuse qui tinte comme de la pluie, une pluie douce de printemps aussi caressante que les moustaches d’un chat ou d’un lapin. Elle voudrait crier, mais elle comprend aussitôt qu’elle ne doit pas le faire sous peine de rompre le charme. Elle regarde son compagnon. Son visage est comme disperse, éparpillé, pointilliste. Il semble fuir comme de la sciure vers l’Image. Elle lui (au jeune homme - WD) dit à l’oreille: ‘Plus tard, ce sera moi tout en haut de l’escalier. Pas un seul passant qui ne s’arrêtera, fera un voeu sans qu’à la minute même il soit exaucé.  Tout en haut de l’escalier, il en existe un autre plus raide, plus altier. Pour quelques billets, la phénoménale matrone donne de l’encens, des poudres inconnus qui font tourner les sens. Ma chambre sera désordonée, suffisamment sombre pour accueillir les avalanches, la neige noire qui tombe des aigrettes du grand coq. Les passants auront l’impression d’être à demi-immergés dans un fleuve, d’être sauvés par moi bien droite sur ma barque plate, ils me tiendront dans leurs bras le temps d’une vague, d’un remous. Puis je m’éloignerai sur ma barque. Ils se retrouveront au bord du fleuve miraculeusement secs, douillets comme du bon tabac, à quelques enjambées d’une station de taxis dont les feux virent comme une robe de Gitane. (p. 68)

Cette nuit-là, ils ne se cachèrent rien de leur corps. Elle regarda sans étonnement, comme une professionelle, cet home nu, son sexe poivre et sel. Quant à lui, il approcha la petite fille contre son épaule comme l’on ajoute une veste ou un chandail. Il songea à ces pelotes de laines don’t enfant il se couvrait pour avoir chaud jusqu’à éprouver une sensation d’étouffement. Ils s’endormirent bientôt. La chevelure grésilla toute la nuit comme une madone dans sa toge de fleurs des champs. A l’aube ils firent leur toilette sans fausse honte et s’aspergèrent d’eau froide en riant. (p. 69)

An observation: Elsewhere is this collection of stories Martin makes use of the imperfect tense as a way of creating a multi-character tapestry, a sort of Brueghelian panorama of orgiastic activity. Burroughs also makes repeated use of this technique. A terrific example is Apollinaire’s “Mes amis m’on enfin avoué…” (p. 129)